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mercredi 26 septembre 2007

samedi 1 septembre 2007

مدكرا ت عسكري




SIDI ABD EL AZIZ
(de novembre 1955 à janvier 1956)
En novembre 1955, nous quittons Beni Aïcha pour Sidi Abd el Aziz. C'est une minuscule localité construite autour des deux maisons forestières qui nous servent de cantonnement. Elle est située en bord de mer, à mi-chemin entre Djidjelli et El Hanser.
Peu après notre arrivée, le commandant de compagnie me demande de remplacer le caporal L... à l'ordinaire. J'y vois l'occasion de ne plus participer aux opérations de "maintien d'ordre" et j'accepte avec empressement.
EMBUSCADE
Je n'ai pas à attendre longtemps pour me féliciter de ma mutation à l’ordinaire. Trois jours plus tard, la deuxième section, mon ancienne unité, commandée par l’aspirant Poissot, tombe dans une embuscade. C’est le premier "accrochage" subi par une unité de la 3e compagnie depuis mon arrivée en Algérie, le baptême du feu pour la plupart des gars de la 2e section (les anciens ont déjà été "baptisés" en janvier 55, au Djebel Haraba). Depuis notre installation à Sidi Abd el Aziz, chaque soir, une section quittait le cantonnement à bord d’un 4X4 et d’un 6X6, tous feux éteints, pour être larguée dans la nature le long de la route et y attendre d’éventuels déplacements de rebelles. Ce soir-là, les rôles sont inversés, ce sont les rebelles qui attendent leur proie. Par bonheur, nos adversaires n’ont que des fusils de chasse. Ils réussissent néanmoins à blesser le caporal-chef Keller, qui conduit le 6X6. Le véhicule verse dans le fossé. Les gars ont le temps de sauter, de même que ceux du 4X4. Ils ripostent et l’aspirant Poissot parvient à alerter le cantonnement grâce au poste SCR 300 porté par un radio. Le lieutenant part sur le champ en jeep, suivi par le GMC chargé d’hommes en armes, mais le bruit des véhicules alerte les fells qui lèvent le siège. Par miracle nous n’avons que trois blessés. Au retour des rescapés, Keller tient un mouchoir sur son œil et s’écrie :- Occupez-vous de Létal, il est grièvement blessé au ventre. Grassy aussi est blessé.En fait, Létal, un gars de la 54-2A, n'a été qu'égratigné par une chevrotine. Quant à Grassy, il a été victime du choc d’un projectile contre son ceinturon. Peu de bobos pour le premier et presque rien pour le second qui crie cependant comme un veau qu’on égorge. Le plus touché, c’est le plus courageux, l’ami Keller, un Alsacien de la 54-2B pour qui j'ai beaucoup d'estime : il perdra un œil dans "l’aventure". Létal et Keller sont rapidement évacués vers un hôpital avant d'être rapatriés en métropole. Nous ne les reverrons jamais. Plus tard, nous apprendrons que Keller a été promu sergent et décoré de la médaille militaire, une "belle jambe" pour un œil perdu. J’ai néanmoins entendu des sous-officiers de carrière critiquer cette décoration : - La médaille militaire pour si peu, on aura tout vu, Keller a dû être pistonné !
Voir planche de photos
UN CADAVRE SUR LES BRAS !
Mes nouvelles fonctions m'amènent à participer à toutes les liaisons de ravitaillement avec le PC du bataillon, à El Hanser. C'est à l'occasion de l'une d'elles que je prends la plus belle engueulade de ma vie par le capitaine Irrigaray, commandant de compagnie de la CCB (compagnie de commandement du bataillon)
- Allez dire à votre commandant de compagnie que la CCB n'est pas une entreprise de croque-morts.
Le capitaine Irrigaray me postillonne à la figure. Ce Basque tonitruant me fait penser au bonhomme Michelin, mais ce serait un bibendum édifié à l'aide de pneus carrés. Tout est carré chez cet homme, sauf la bouche. Sa bouche, aujourd'hui, c'est l'Etna en éruption. De ce cratère abyssal, creusé entre deux joues rubicondes, jaillissent, dans un tonnerre d'explosions, des projections volcano-salivaires qui m'éclaboussent.
Je fais le dos rond : c'est moi qui prends mais je ne suis pas la véritable cible. Je suis une sorte de miroir réfléchissant qui renvoie les invectives et les postillons vers leur destinataire, le lieutenant Trallat. Une vieille rivalité oppose depuis longtemps les deux officiers. Trallat est un intellectuel, encore jeune, "beau gosse", plein d'avenir, qui a l'impression d'appartenir à une certaine aristocratie militaire. Irrigaray, c'est un vieux soldat, près de la retraite, un ancien sous-off qui a conquis tous ses galons au feu, devant l'ennemi, en 39-45 et en Indochine. On dit, mais peut-être est-ce une légende, qu'en 1940 il a descendu un avion allemand avec un fusil-mitrailleur. Pour ne rien arranger, Irrigaray a été, quelques mois avant mon arrivée, le commandant en titre de la troisième compagnie, mais ses vieilles blessures le rendaient incapable de crapahuter et Trallat assurait le commandement réel avant de devenir le titulaire officiel.
Pourquoi cet orage ? Quelle mouche a piqué Irrigaray ? Ce n'est pas une mouche mais des dizaines de mouches qui tournent déjà autour d'un cadavre étendu à côté de nous, sur le fond du 6X6 : celui d'un vieillard. C'est nous qui l'avons "descendu".
Le matin même, à bord d'un 6X6, un détachement commandé par le sergent-chef Canaquot a quitté Sidi Abd el Aziz pour El Milia. J'en faisais partie pour être "largué" à la CCB au passage. À mi-distance entre Sidi Abd el Aziz et El Hanser, dans la plaine alluviale de l'Oued El Kebir, notre attention a été attirée par un groupe d'hommes qui couraient à travers champs, en direction d'un bosquet.
- Ils ont des armes ! Fusils-mitrailleurs en batterie ! Feu !
Canaquot a sorti ses jumelles et c'est lui qui a lancé ce cri. Les deux mitrailleurs ont jailli de leur véhicule ; en quelques secondes, ils sont allongés sur le bord de la route et ont vidé quelques chargeurs sur leurs cibles mouvantes qui sont déjà bien loin.
- On en a eu un ! Il faut aller le chercher.
Aujourd'hui, Canaquot, c'est Delattre à Strasbourg ! Il commande en chef et vient de remporter la victoire ! On va chercher l'homme abattu pour le ramener à la route. C'est un vieil Arabe, en djellaba blanche, la tête enturbannée dans un chèche sale. Il est bien mort, victime de sa vieillesse qui l'a empêché de courir aussi vite que les autres. Quelques balles dans la poitrine ont écourté une vie qui n'aurait sans doute pas duré encore bien longtemps. Une jambe a été à demi sectionnée par une rafale, elle ne tient plus que par un lambeau de chair.
Le sergent-chef Clébert qui nous accompagne me tire à l'écart :
- Tu les a vus les fusils, toi ? Y en avait pas ! Des paysans qui ont eu la trouille et qui se sont barrés ! C'est tout du pipeau, mais il la veut, sa citation !
Seule certitude, ce pauvre vieux n'avait pas d'arme. Pourtant son cadavre est bien là et il faut en faire quelque chose. Canaquot a la solution :
- On le met dans le 6 X 6 et, puisque tu restes à El Hanser, tu t'en débarrasses là-bas. C'est à moi qu'il parle et c'est comme ça que je me retrouve devant le capitaine Irrigaray avec "mon" macchabée... pour me faire engueuler. Pendant des heures, je l'ai gardé, ce foutu cadavre en attendant le retour de la liaison sur El Milia. Canaquot est contraint de le rembarquer à bord du 6X6. Nous le déposons dans un fossé au bord de la route entre El Hanser et Sidi Abd el Aziz.
RAZZIA SUR LE BÉTAIL
C'est au cours de notre séjour à Sidi Abd el Aziz qu'est inaugurée une pratique destinée à devenir routinière : la razzia sur les bovins. Au retour des opérations menées par la compagnie, de plus en plus souvent, on me ramène une vache : butin de guerre ! Elle est promptement exécutée par mes cuisiniers qui révèlent d'excellentes qualités de bouchers, surtout U.... Dans le calcul quotidien des prix de revient des repas, j'entre cet apport sous la rubrique "viande gratuite", un euphémisme ! J'imagine que mes comptes sont contrôlés quelque part en haut lieu et, pourtant, jamais on ne me posera de question sur l'origine de cette viande gratuite.Nous ne sommes pas les seuls à procéder à ces razzias. Selon les informations que j'ai glanées à El Hanser lors de nos liaisons, d'autres compagnies du bataillon - pas toutes - en font autant ou même davantage.Au début, je me suis offusqué de cette pratique, mais je n'ai rien à dire, l'opération étant couverte par le commandant de compagnie lui-même. Toutefois, avec le temps, mes scrupules s'estomperont. Au fond, ça m'arrange bien car l'économie réalisée sur la viande me permet d'améliorer l'ordinaire de manière significative et d'augmenter le "boni". Mes réticences diminueront donc peu à peu devant des considérations bassement mercantiles. J'en arriverai même un jour à interpeller ainsi des gars sur le point de partir en opération :
- Si vous pouvez, ramenez-moi une vache.
C'est ainsi que ma complicité passive devient insensiblement de la complicité active.
OPÉRATION ÉVENTAIL
La fin de notre séjour à Sidi Abd El Aziz est mouvementée. Dès le 8 décembre est engagée une opération de très grande envergure appelée "opération éventail". Sans doute n'est-elle rien à côté de celles qui seront déclenchées beaucoup plus tard, dans les années postérieures ma libération. Mais, en décembre 55, moins de quatorze mois après le début des "événements", elle paraît gigantesque. Elle a pour cadre la presqu'île de Collo. Une région rêvée pour des HLL (hors la loi, dans la terminologie militaire) : relief tortueux, couverture végétale inextricable, un véritable repaire. Leurs coups de main terminés, les commandos rebelles peuvent y trouver un refuge très sûr. L'état-major français décide donc de le passer au peigne fin. Dans un premier temps, on réalise un véritable encerclement. Toutes les unités basées dans la région sont affectées à cette tâche. La troisième compagnie n'y échappe pas. .... elle s'installe à demeure sur les rives de l'Oued El Kebir qui limite la presqu'île de Collo vers le Sud-Ouest. Sa mission principale est la surveillance de deux bacs posés par le Génie pour permettre à la troupe de traverser le fleuve. Au début, le campement est de fortune, sous tentes individuelles. En plein hiver ! Au bout de quelques jours, on installera des préfabriqués moins inconfortables.
sLe grand patron de l'opération de "nettoyage" de la presqu'île de Collo est le colonel Bigeard, à la tête de ses paras. Je n'ai jamais entendu parler de lui à ce jour mais je réalise vite qu'auprès des sous-officiers d'active de la 3e compagnie, tous anciens d'Indochine, il a la cote ! Le sergent-chef Tiédet ne jure que par lui ; il rêve de servir sous ses ordres et vante ses mérites à longueur de journée. À la suite de cette opération et jusqu'à une période très récente, j'aurai une certaine considération pour lui. En effet, ayant appris que diverses compagnies basées dans le coin amélioraient leur ordinaire en prélevant leur dîme sur les troupeaux, il pique une grosse colère et interdit la pratique. Combien de bovins doivent-ils une survie provisoire au colonel Bigeard ? Intellectuellement, cette attitude me plaît même si le sous-officier d'ordinaire que je suis doit se passer d'un appoint alimentaire "gratuit" non négligeable. Beaucoup plus tard, au cours de l'année 2002, j'aurai l'occasion de lire l'ouvrage de Pierre-Alban THOMAS* : j'y découvrirai une critique argumentée des méthodes de Bigeard lors de cette opération et réviserai mon jugement sur le personnage.
* "Les désarrois d'un officier en Algérie" ed. Le Seuil

mardi 28 août 2007

mon histoire

Dans ma famille, on sortait peu de Djidjelli. La ville, il est vrai, était assez isolée, géographiquement. Quant aux moyens de transport, ils restaient rudimentaires.
Les transports vers Constantine
Le seul voyage que nous nous permettions, chez nous, et encore très rarement, visait Constantine, le chef-lieu du département, où nous avions de la famille : ma grand-mère paternelle, un frère de mon père, une grand-tante de ma mère, une cousine de ma grand-mère... Tout une expédition, ce voyage ! Car, dans les premières années, pas d’avion ; un aéro-club existait bien à Djidjelli, mais aucune ligne aérienne, et l’on dut attendre 1956 pour en avoir une, régulière.
Le train ? En 1886, il fut question d’établir une voie ferrée entre Djidjelli et Sétif, et le Conseil Général avait voté une subvention de dix mille francs afin d’étudier un projet, qui n’alla pas plus loin. En 1907, la construction d’une ligne Djidjelli-Bizot-Constantine fut votée par le Parlement français, et les travaux commencèrent ; mais, en 1914, aucune portion de la ligne n’était encore terminée, et ce n’est pas la guerre qui allait en accélérer la construction. Jusqu’en 1919, les travaux continuèrent par intermittence et avec une extrême lenteur. À Djidjelli, on lança l’aménagement d’un terre-plein, près du Fort Duquesne, apte à recevoir la future gare, mais les travaux furent plusieurs fois interrompus, remis à une date ultérieure. En 1923, on abandonna le projet, au profit d’une ligne entre Djidjelli et El-Milia, qui fut effectivement réalisée et servit ensuite à transporter le minerai de fer de Sidi-Marouf, proche d’El-Milia, vers le port. L’édification d’une gare y fut commencée, là encore abandonnée ; les locaux construits devinrent ainsi l’École de la Gare, où les garçons de la ville faisaient leurs premiers pas dans la scolarité, pendant trois années.
Finalement, et si on laisse de côté les quatre ou cinq taxis que la ville comptait, les familles sans véhicule, qui étaient la majorité, ne pouvaient se déplacer qu’en autocar. Le trajet le plus courant se faisait entre Djidjelli et Constantine, et la liaison était assurée par les Messageries Automobiles Djidjelliennes, deux fois par jour sauf le dimanche. Le voyage complet en première classe coûtait 700 francs, et 473 francs en deuxième classe. Rappelons aux distraits qu’il s’agissait des anciens francs, le nouveau franc n’est apparu qu’en 1959, inventé par Antoine Pinay.
Les départs de Djidjelli se faisaient à 5 heures et 13 heures, et aux mêmes heures à Constantine. Les arrivées avaient lieu à 10 heures 30 et 18 heures. À Djidjelli, le départ se tenait au marché couvert ; à Constantine, devant les bureaux de la société, boulevard Jolly de Brésillon, au-dessus du marché couvert de la Brèche, à deux pas de l’Hôtel de Ville. Ces cars transportaient aussi le courrier, et le distribuaient aux villages traversés : Duquesne, Strasbourg, Taher, Chekfa, M’Zaïr, Sidi-Abdelaziz, El-Djenah, Belkhimous, El-Hanser, Laraba, El-Milia, Boudloudoun, Siliana, Grarem. Les arrêts étaient plus longs, entre dix et quinze minutes, à El-Milia et Grarem. Enfin, il y avait les arrêts à la demande sur tout le trajet.
En hiver, la route était considérée comme dangereuse, et pouvait être coupée par des éboulements dus à la perméabilité des terrains trop sableux. On recourait alors au transbordement, opération longue et pénible, à laquelle je n’ai jamais assisté néanmoins. Il fut question de détourner la route sur deux ou trois kilomètres, afin d’éviter les points les plus sensibles, mais j’ignore si ce projet aboutit.
Je supportais très mal ces voyages, par chance peu fréquents. Nous étions allés à Constantine quand j’avais sept ou huit ans, lorsque mon grand-oncle, le capitaine Largeau, mari de ma grand-tante Jeanne, se suicida. On prétendit qu’il était tombé dans l’escalier de son immeuble, au 4 de la place Foch, mais en fait, il s’était tiré une balle dans la tête avec son pistolet d’ordonnance, parce qu’il ne supportait pas d’être devenu diabétique. J’y suis retourné à quatorze ans, pour passer l’oral du BEPC et le concours d’entrée à l’École Normale, à deux jours d’intervalle, ce qui tombait bien et nous évita un double déplacement, à mon père et moi.
Je fis ce voyage une dernière fois fin septembre 1955, pour aller m’installer à l’École Normale. Par la suite, la route était devenue trop dangereuse pour les Européens, du fait qu’El-Milia fut très vite aux mains de la rébellion. Nous avons dû renoncer totalement à l’autocar, et les choses devinrent très compliquées pour un simple voyage de 150 kilomètres.
La première solution consista en un détour par Philippeville, fait en chemin de fer, pour embarquer sur un paquebot, le « Lamartine », qui ralliait Djidjelli en cinq heures. Après le « Gouverneur-Général-Chanzy », dont je parle dans une autre page, décidément, je n’avais pas de chance avec les navires : le « Lamartine » semblait atteint de la danse de saint-Guy, et gigotait avant même d’être sorti du port. Moi qui avais le mal de mer en écoutant simplement couler un robinet, j’étais servi. Le comble, c’est que mes camarades de classe paraissaient s’amuser beaucoup pendant la traversée : ils installaient un électrophone sur le pont et se lançaient dans des compétitions effrénées de rock and roll, alors que j’agonisais à deux pas. C’est étrange, bien plus tard, j’ai fait d’autres traversées, dont celle, fréquente, du détroit de Gibraltar, et n’ai plus ressenti le mal de mer. Je pense que j’avais payé par avance, et en bloc, mon tribut à Neptune. Ou que les poissons étaient rassasiés.
Le « Lamartine » resta en service environ deux ans, mais il n’était certes pas rentable ! Et par conséquent, condamné à brève échéance. Quelqu’un eut ainsi la bonne idée d’utiliser la piste de l’aéro-club, et de mettre en service un petit avion de quatre places, qui relierait Constantine à Djidjelli. Désormais, les Djidjelliens de l’École Normale de Constantine ne se déplacèrent plus qu’en avion ! J’avais alors seize ans. Le trajet, très court, durait une demi-heure, même à bord d’un coucou. Un peu plus tard, l’exploitant le remplaça par des biplans bimoteurs, des Dragon DeHavilland, qui embarquaient six passagers en plus du pilote, et s’avéraient plus rentables. Je crois bien qu’ils étaient encore en service lorsque je vins à Djidjelli pour la dernière fois, en avril 1962, juste avant le départ de ma famille pour la métropole. J’étais militaire, j’arrivais de Nouvion, dans l’Oranais, et j’avais 21 ans.
Autres trajets
Djidjelli était reliée aussi avec Philippeville d’une part, avec Alger d’autre part. Je n’ai jamais emprunté ces lignes. En fait, la première fois que je suis allé à Alger, ce ne fut pas du tout sur une ligne régulière, mais à bord d’un cargo !
Entre Djidjelli et Philippeville seulement, et toujours en autocar, il existait des départs toute la semaine, assurés par les Messageries Automobiles Djidjelliennes, appartenant aux héritiers Cheriet ; par la société Kemih ; par la société Oubraham (entre Sidi-Aïch et Philippeville via Djidjelli) ; par la société Bourouima (entre Oued-Amizour et Philippeville via Djidjelli).
La liaison entre Djidjelli et Bougie était assurée par les Messageries Automobiles Djidjelliennes, avec deux départs quotidiens à 4 heures et 15 heures, sauf le dimanche. L’arrivée avait lieu deux heures et demie plus tard. La correspondance avec Sétif était assurée à Souk-el-Tenine. Le voyage depuis Bougie pouvait se prolonger vers Alger. Là encore, cette route était dangereuse en raison des éboulements. Le voyage complet coûtait 400 francs. Il était donc possible d’aller de Constantine à Bougie pour 1100 francs au maximum, alors que le même voyage en train coûtait presque 2000 francs. Mais, évidemment, cela durait beaucoup plus longtemps.
Mais il existait aussi une ligne beaucoup plus longue, une liaison transversale entre Alger et Philippeville, via Djidjelli. Assuré par une société dont j’ai oublié le nom, dont le siège se trouvait à Alger, et qui employait une dizaine de véhicules, ce service ne fonctionnait pas le dimanche. Le départ avait lieu de Philippeville à cinq heures du matin. Arrivée à Djidjelli à 9 heures 30, et départ à 10 heures. Arrivée à Bougie à midi, départ à midi trente. Arrivée à Alger à 18 heures. Ces cars s’arrêtaient dans les diverses localités traversées : Tamalous, Boudoukha, Aïn-Kechera, El-Milia, El-Hanser, Belkhimous, Taher, Djidjelli, Cavallo, Ziama-Mansouriah, Bougie, El-Kseur, Sidi-Aïch, Akbou, Maillot, Bouira, Palestro, Ménerville, Rouiba, L’Alma.
Sur le trajet inverse, le départ d’Alger se faisait à cinq heures du matin, l’arrivée à Bougie à 10 heures, à Djidjelli à 13 heures, à Philippeville à 18 heures. Il y avait à Djidjelli une correspondance pour Texenna, assurée par deux sociétés, Mahdid et Menia Douadi. Cette société de transport déclinait toute responsabilité en cas de perte ou d’avarie des bagages non enregistrés ! Et, en cas d’indisponibilité d’un véhicule et donc de suppression du voyage, il n’y avait aucune indemnité. Et toute place achetée devait être utilisée à la date prévue. On le voit, le client était bien soigné.
Le voyage entre Philippeville et Alger coûtait 2500 francs.
Outre ces liaisons à longue distance, des cars reliaient Djidjelli aux villages environnants ; tous les jours avec Texenna, deux ou trois fois par semaine avec Taher, Chekfa et Cavallo.

Tourisme environnant
Les environs de Djidjelli ne manquaient pas de beauté, surtout la Corniche entre chez nous et Bougie. Plutôt que d’insérer ici une quelconque carte postale glanée sur Internet, comme je l’ai fait ailleurs, avouons, je préfère me faire pardonner en illustrant ma page avec une vue totalement inédite, elle, puisqu’il s’agit d’un tableau peint par un collègue de mon père, monsieur De Meritens. En fait, cet homme était un peintre du dimanche, et son œuvre, même dans ma famille qui n’y connaissait rien, passait pour une croûte, si bien que ni mes parents ni mes frères n’ont désiré la conserver. J’en ai donc hérité, et la voici :

Comme je n’ai aucun humour et ne suis guère moqueur, comme il se trouve également des amateurs d’art pour admirer les peintures du douanier Rousseau, je ne ferai aucun commentaire.
Il arrivait à mes parents, lorsque l’occasion se présentait (en clair : lorsque quelqu’un, ami ou membre de la famille, avait un véhicule), de faire une excursion sur cette côte ouest presque californienne, soit à Cavallo, soit au camping des Aftis.
Cavallo était un village à vingt kilomètres. Nous avons eu l’occasion de nous y rendre lorsque la sœur de mon père, durant quelque temps, y tint un café, en association avec un amant plus jeune qu’elle ; son mari et sa fille, ma cousine Yvette, une chipie que je n’appréciais pas et qui plus tard épousa un général, elle les avait laissés à Sétif, où ils habitaient ordinairement, et je la comprends. Il faut avouer que le couple fit faillite assez vite. Mais l’endroit était agréable. Et puis, séjourner dans un café, rien de plus excitant !
Les Aftis, à trente-deux kilomètres de Djidjelli, c’était très différent, on était dans la nature. Le camping était installé dans un bois, tout près de la mer. Nous y sommes allés deux ou trois fois, avec des amis, et, la dernière fois, avec mon oncle Marcel, ma tante Geneviève et mes cousins et cousine, Alain, Patrick et Anne-Marie, qui vivaient à Fes, au Maroc (les gens pudiques prononcent « fèz », mais cela se dit bien « fesse »). Mon oncle avait une voiture, une de ces Citröen que l’on voit dans les films policiers de l’époque, et qu’on appelait « traction avant ». Je dois avouer que si je n’aimais pas les bains de mer, j’appréciais en revanche la nourriture qu’on y dégustait : en cette époque étrange, la langouste était une nourriture accessible aux pauvres !

54 milliards pour la réalisation d’une deuxième corniche à l’est de la wilaya Les habitants des localités de Oued-Z’hor et de Beni-Ferguène, à l’extrême est du territoire de la wilaya de Jijel souffrant d’isolement depuis la nuit des temps du fait de la topographie du terrain, sont très content à la suite d’un accord de principe accordé par le ministre des Travaux publics, M. Amar Ghoul, qui a visité en décembre dernier la région, et ce, pour la réalisation d’une corniche de 18 km entre les localités de Beni-Belaïd (commune Kheirie Oued- Adjoul) et Oued-Z’hor, relevant territorialement de la ville d’El-Milia.
A cet effet une enveloppe de 54 milliards de centimes sera incessamment dégagée pour le lancement des travaux avant la fin de l’année en cours. Cette nouvelle route sur le littoral est qui sera à non point douter pittoresque à l’instar de la corniche ouest, sera à moyen terme d’un grand apport dans l’allégement des tribulations des populations des régions concernées par ce projet. Relevons au passage que les habitants de ces régions parcourent quotidiennement 28 km de routes défoncées et impraticables pour rallier le chef-lieu de commune d’El-Mila. Un axe routier qui permettra à l’avenir à de nombreux vacanciers de contempler les somptueux paysages féeriques de la région touristique de Oued-Z’hor limitrophe de la wilaya de Skikda. Un deuxième projet similaire est en cours d’élaboration au niveau du bureau du directeur des travaux publics de la wilaya, consistant au désenclavement des localités d’El-Djenah (Sidi-Abdelaziz) et de Beni-Belaïd (Kheirie Oued-Adjoul) et ce, par la réalisation aussi d’une route qui longera la mer sur une dizaine de kilomètres.F. M.








vendredi 24 août 2007